Au fil des années, la sémiotique continentale et également américaine d’ascendance peircienne a acquis une certaine compétence dans la réflexion sur la traduction intersémiotique (Jakobson), à savoir la traduction entre différents langages (verbal, visuel, audiovisuel, musical, gestuel). Les plus importantes avancées de l’approche sémiotique de la traduction intersémiotique sont sans aucun doute celles qui ont proposé des études sur la traduction entre différentes manières de narrer et d’énoncer à travers des substances du plan d’expression différentes. En particulier, les travaux réalisés pendant les années 2000 ont été consacrés aux différentes manières de dire ou de voir, à savoir aux spécificités médiatiques de chaque langage en traduction (organisation du support, linéarité, tabularité, rythmes, densité des traits, etc.). Cette approche a aussi permis ensuite de s’engager dans la traduction des spécificités matérielles de chaque langage et de voir que le roman peut imiter, par son rythme, la musique, la peinture le flou photographique, l’audiovisuel le caractère statique de la peinture et d’autres images fixes, et la musique la texture des tableaux, entre autres.
L’émergence de l’IAG est en train de changer le paysage de la traduction intersémiotique de manière radicale et se confirme être un objet d’étude précieux tant du point de vue sémiotique que de celui des sciences du langage. En effet, les modèles de diffusion tels que Midjourney, Stable Diffusion, DALL-E et les autres, en utilisant les technologies des LLM, permettent de générer des images à partir des prompts et de produire des textes à partir d’images (plus ou moins photographiques, en imitant des styles plus ou moins connus). Il devient aussi possible de produire des courtes vidéos à partir des prompts car les technologies continuent d’être peaufinées afin de pouvoir obtenir des résultats de plus en plus capables de rendre l’esprit, les atmosphères, les styles visés par les usagers. La bonne réussite et la finesse des traductions aujourd’hui dépendent en bonne partie du type de bases de données entrainées par rapport à chaque expérimentation , des espaces latents à disposition et des objectifs visés par chaque génération de texte (artistiques, scientifiques, politiques, publicitaires, etc.).
L’un des axes principaux du congrès est ainsi celui de la mise en contraste de la traduction assistée par l’ordinateur par rapport à celles qui ont été pratiquées avant l’émergence des intelligences artificielles génératives. Il est certain que, pour donner des instructions utiles aux IA et ensuite juger des résultats (au sens esthétique, moral, scientifique, etc.), il faut bien comprendre les traductions intersémiotiques non assistées. Et que, vice-versa, la créativité des traductions traditionnelles reste un champ crucial de comparaison qui nous fait comprendre les limites des IA.
D’autres axes de réflexion sont aussi possibles et la comparaison entre les styles et les fonctionnements des différents modèles de diffusion (Midjourney, Stable Diffusion, etc.) seront bienvenus, ainsi que des réflexions sur les pratiques (artistique, politique, publicitaire, etc.) au sein desquelles ces différentes sortes de traductions intersémiotiques sont produites et au travers desquelles elles circulent au sein des différents domaines de la société.